Un chiot qui tourne en rond, en essayant d’attraper sa queue, jusqu’à en tomber à la renverse, cela fait sourire. Lorsque ce comportement, appelé « tournis » (ou « tail chasing » en anglais), persiste à l’âge adulte, c’est plus ennuyeux, car il traduit un trouble qui peut altérer la qualité de vie du chien si aucun traitement n’est mis en place. Certaines races, comme le berger allemand ou les terriers (surtout le Bull terrier, le Cairn terrier et le West Highland white terrier), semblent plus volontiers concernées.
C’est quoi, le tournis ?
Le comportement du chien lors d’une crise de tournis est assez caractéristique : il tourne, sur lui-même ou sur un cercle de très petit diamètre, en donnant de grands coups de mâchoires pour essayer d’attraper sa queue. Souvent, il grogne, gémit ou aboie en même temps. Le chien ne s’arrête que lorsqu’il est épuisé ou que quelque chose de suffisamment important attire son attention. Le tournis s’accompagne fréquemment de mutilations de la queue, sous la forme de zones dépilées ou de véritables plaies sanguinolentes qui peuvent s’infecter.
Attention, le chien peut se montrer agressif et se retourner contre vous si vous essayez physiquement de l’empêcher de tourner. Mieux vaut claquer dans les mains, lancer un objet ou donner un grand coup de sifflet pour l’arrêter.
Dans 3 cas sur 4, les crises sont quotidiennes et durent de 2 à plus de 30 minutes. On note que plus les crises sont fréquentes et plus elles durent longtemps.
Pourquoi il fait ça ?
Face à une activité de tournis, trois explications sont possibles :
- il existe un trouble physique qui peut expliquer le phénomène : la présence de parasites autour du rectum ou un engorgement des glandes anales (qui créent une irritation que le chien essaie de soulager), une allergie (dans ce cas, le chien se gratte sur d’autres parties du corps), une affection du bas du dos, de type hernie discale ou tumeur (qui font que le chien ne « sent » plus sa queue), etc. Enfin, mais beaucoup plus rarement, certains chiens dont la queue a été coupée peuvent présenter une petite induration sensible à l’endroit de la section. Les crises de tournis dues à un trouble physique peuvent apparaître à tout âge.
- il s’agit de crises d’épilepsie partielle, sans perte de conscience. Le chien présente alors souvent d’autres comportements étranges (attaque d’objets inanimés, gobage de mouches imaginaires, état de transe, regard fixe, etc.) mais est tout à fait normal entre deux crises. Les crises d’épilepsie commencent généralement vers l’âge de 2 ans.
- mais le plus souvent, le tournis est considéré comme une « stéréotypie motrice », c’est-à-dire une répétition involontaire et continue des mêmes gestes, sans but précis (en l’occurrence ici la poursuite de la queue). Le tournis peut alors être comparé au T.O.C. de l’Homme ou Trouble Obsessionnel Compulsif qui consiste, par exemple, à grincer des dents, se balancer sur sa chaise ou se laver les mains 50 fois par jour. Ce trouble comportemental traduit une très grande anxiété chez le chien, qui peut être due à une séparation trop précoce d’avec la mère, un manque de stimulations lors des premières semaines de vie (cas des chiots élevés en chenil), une mauvaise compréhension du langage humain (le chien reçoit des ordres qu’il ne comprend pas et ne sait pas comment y répondre), une absence de hiérarchie (le chien ne connaît pas sa place dans la famille), des contraintes excessives (enfermement, mise à l’attache, travail intensif), une sensation de frustration (repas qui n’arrive pas assez vite, présence d’autres chiens, départ du maître…), etc. Tourner en rond après sa queue est alors un moyen pour lui d’évacuer son stress et de gérer ses émotions. Ce type de tournis peut commencer très tôt chez le chien, dès l’âge de 3-4 mois.
Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Inutile d’attendre en espérant que cela va passer tout seul. Si votre chien manifeste des crises de tournis à répétition, il faut rapidement faire pratiquer un examen clinique complet par votre vétérinaire pour essayer d’en trouver la cause. Si vous le pouvez, n’hésitez pas à filmer votre chien pendant les crises car elles se produisent rarement pendant une consultation. Cela permet souvent d’apporter des précisions quant à la nature du tournis : existence de facteurs qui déclenchent la crise ou au contraire la font cesser, état de conscience de l’animal, durée des crises, symptômes associés, etc.
Les causes physiques de tournis sont faciles à mettre en évidence et un traitement adapté en vient généralement à bout.
Pour l’épilepsie ou la stéréotypie, le diagnostic est un peu plus difficile et demande souvent des examens complémentaires, voire une consultation chez un spécialiste du comportement animal. Le traitement repose sur l’utilisation de médicaments anticonvulsivants (dans le cas de l’épilepsie partielle) ou antidépresseurs (dans le cas de stéréotypie). Il est rare d’obtenir une disparition totale des troubles, mais l’état du chien peut être sensiblement amélioré, suffisamment pour lui permettre de retrouver une « vie de famille » normale. En cas de trouble compulsif, surtout s’il évolue depuis longtemps, l’administration de médicaments doit s’accompagner d’une thérapie comportementale. L’idéal est de trouver l’origine de l’anxiété du chien afin de pouvoir supprimer la cause si cela est possible.
Une chose est sûre : les méthodes coercitives, qui agissent par la contrainte, comme l’enfermement, les punitions, le port d’une muselière, d’une collerette ou d’un collier électrique, n’ont aucune utilité. Pire, elles ne font qu’aggraver le stress du chien et risquent d’augmenter la fréquence et l’intensité des crises de tournis. Et couper la queue du chien ne réglera pas le problème non plus !